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Shangri-La [BD] 2016

Espionnage SF | France |

BD - La Fin des illusions

Shangri-La c'est l'éternelle, désormais, histoire des corporations, de la Résistance à long terme, de l'Autoritarisme passif, des castes, et des communautés boucs-émissaires, du racisme, à leur paroxysme. C'est l'Etat transformé en entreprise. C'est le cyberpunk¹ à l'extrême.
Une société recréée dans une station orbitale après que la Terre soit devenue inhabitable². Un microcosme du futur criant de modernité... des émeutes calmées à coups de soldes, à coups de smartphones nextgen... Des technologies secrètes, des usines secrètes, des complots secrets.
Le secret est sécrété par tous les pores.
Éminemment récalcitrant, comme un pavé venu du passé, qui prend un malin plaisir à passer les utopies de la SF à la moulinette. Et donc, éminemment cyberpunk.

Je passerai sur le style graphique, qui apparemment désarçonne certains lecteurs.

Un scénario parfait, un storyboard parfait, des dessins parfaits. "Une sorte de fresque cinématographique de 4h"³ et de 220 pages.
Comment croire que Shangri-La est le monument d'un seul homme ?
Qui est M. Bablet ?⁴
Les dessinateurs de demain seront-ils tous des bêtes de course dans son genre ?
Ou pourrait-on changer la tradition et créditer intégralement les co-auteurs ?

Je crois que tout est dit : scénario déjà vu pour les amateurs, thèmes maintes fois traités, mais une œuvre somme justement, magnifiquement réalisée. On pourra regretter une fin trop objective.
Sélection officielle à Angoulême 2017.


1. Ou post-cyberpunk : l'histoire se déroule en orbite de la Terre. Alors que le cyberpunk à comme règle d'or de toujours se dérouler sur Terre, la colonisation spatiale se révélant impossible et conduisant à une surpopulation.
2. Freedom, Interstellar, Albator 84...
3. Expression empruntée sur le site https://www.bedetheque.com/
4. Plus d'informations sur son blog http://cinquiemedimension.blogspot.com/

Bande dessinée, cyberpunk, anticipation, post apocalypse, espace-temps, colonisation spatiale, mutation, Bablet, Ankama, label 618, critique, analyse

Infinity 8 épisodes 4 et 5 [BD] 2017

Policier SF | France |

BD - BD guerilla et industrie lourde

4. Guérilla symbolique.
Ce ne sera pas mon épisode préféré. De bons personnages pourtant, de bonnes idées, une histoire qui aurait pu être vraiment top, mais je ne sais pas, peut-être que les idées ne sont pas assez poussées. Peut-être vient-ce du storyboard (ou scénarimage), ou peut-être est-ce la préparation du climax, mal amené.
L'épisode introduit pourtant des personnages sympathiques. Je crois que l'introduction pêche un peu, et comme on le sait, "un commencement est un moment d'une extrême délicatesse" (Dune, 1984).
C'est là aussi qu'on se rend compte que les héroïnes de la série sont très individualistes¹ : elles évoluent seules, et fonctionnent de façon autonome. Et c'est poussé à son paroxysme cette fois, puisque la miss est en mission d'infiltration, depuis trois ans... On a le droit à des flash-back pour la première fois dans la série, on sort du coup de la règle des unités 1 temps /1 lieu /1 action qui fonctionnait (très bien) jusque là. Avec au passage, une "critique" des sectes et mouvements para-religieux. Une critique des réseaux sociaux aussi, à moins qu'il s'agisse du running gag débuté à l'épisode 1 qui s'essouffle un peu.
Peut-être que c'est aussi le fait d'évoquer le psychédélisme sans trop y toucher ? Peut-être la forme est-elle trop plate ? Peut-être que le récit manque de respirations (temps morts /accélérations). Le dessin est quant à lui plutôt bon, sans pour autant être épique.
Mais le fait est que si l'épisode n'est pas excellent, il est quand même vachement bon. C'est peut-être mathématique : on ne peut pas côtoyer l'excellence tout le temps.
La bédé a aussi la bonne idée de s'inspirer du méconnu cinéma guerilla².
Le fait est aussi qu'on a l'impression que Vatine a joué un rôle plus important que directeur de collection, sur cette série. L'inconvénient de ne pas être crédité... L'inconvénient aussi, pour l'artisan BD, de ne pas comprendre comment le tout a été fabriqué. Malgré la place significative des pages bonus qui nous racontent un peu la conception de l'album.

BD - Apocalypse et bras cassés
5. Le Jour de l'Apocalypse.
Il y a du rififi sur l'YSS Infinity. Magnifique entrée en matière... première page : des aliens rigolos, une contre-plongée sur la ville du vaisseau, et des couleurs à la pointe de l'évolution. Et encore une fois, un personnage fort et autonome. Une mère célibataire à l'humour un peu aigri qui rencontrera une équipe un peu bancale (la communication inter-espèces n'est pas facile) mais efficace. Résultat moins froid que pour les épisodes précédents, donc. On peut aussi noter un nombre d'interactions plus important avec les personnages et intrigues des autres albums. 

Des belles couleurs, et un volume réussi, de beaux cadrages qui nous valent de très belles images.
En bonus on apprendra qu'il fut le premier scénario terminé, ce qui nous en explique un peu plus sur la conception de la série.


1. Ça va changer dans le 5.
2. A ne pas confondre avec le théâtre guerilla, résolument à l'opposé. Le cinéma guerilla est célébré dans Cecil B. Demented (de John Waters, 2001)

Bande, dessinée, space, opera, comédie, policier, espionnage, espace-temps, androïde, colonisation spatiale, Trondheim, Rue de Sèvres, critique, analyse

Total Recall [Film] 1990

Thriller SF| USA |

Ciné - Crash neuronal et embolie schizophrénique

Parler de Total recall aujourd'hui, ça fiche un peu le cafard...
L'époque bénie où les effets spéciaux ne se sentaient plus pisser, où les réalisateurs n'avaient plus froid aux yeux, où même les cauchemars de Lovecraft pouvaient enfin prendre vie (cf. : The Thing). Les effets spéciaux latex et mécaniques allaient loin, trop loin, et du coup, quarante ans plus tard, les films ont vieilli, ce qui est bien sûr tout à leur honneur. Et du même coup, ils se font remaker. Avec plus ou moins de succès. Heureusement les films vieillissent, OK, mais sont immortels et survivent sur de multiples supports. Le Pestacle !

Douglas Quaid, ouvrier terrien, rêve d'une vie d'aventure sur Mars, qui est désormais une colonie humaine. Il rêve de Mars, déjeune avec Mars au grand dam de sa femme, et prend le métro avec Mars. C'est en voyant la publicité d'une société proposant des souvenirs artificiels, qu'il se décide à en faire l'expérience contre l'avis son collègue de travail. A la sortie, il est à deux doigts de faire une embolie SCHI-ZO-PHRé-NIQUE, alors que le rêve n'est même pas implanté. Conclusion : Quaid est déjà allé sur Mars, et il a déjà un implant mémoriel. Les employés et le directeur de la petite entreprise décident de lui effacer de sa mémoire sa venue chez Rekall, et de le jeter dans un taxi ni vu ni connu. Sur le chemin, Quaid a repris conscience et se fait enquiquiner sévère par son collègue et trois autres hommes, qui lui reprochent d'être allé chez Rekall. Il les tue par réflexe, dans le feu de l'action, et en rentrant chez lui, c'est sa femme qui manque de le tuer.

Si Total recall sent les 80's c'est une chose, mais avec le recul c'est plutôt le "réalisme béton et fusil à pompe" qu'il fouette à plein nez¹. Quand il met la main à la pâte de la scifi, Verhoeven nous fait Robocop, Starship troopers... des films de SF où l'on tire à balles réelles. Verhoeven sait donner une crédibilité crue à sa SF. Par ailleurs, le fait d'être dans une bande SF est tout-à-fait assumée : les billets de banque sont roses par exemple... A l'époque les influenceurs youtubeurs ne chipotaient pas sur des détails.

Ciné - Courir contre l'oubli
La genèse de Total recall est tout aussi intéressante. Ronal Shusett et Dan O'Bannon² écrivent le scénario dans les années 70 à partir d'une nouvelle de Philip K. Dick, Souvenirs à vendre. Trop ambitieux pour l'époque, le scénario passe de studio en studio jusqu'à ce qu'il soit acheté dans les années 80 par Dino de Laurentiis. Puis il est réécrit par David Cronenberg, mais la prod veut impérativement un film d'action, et il quitte le projet. Suite à l'échec de Dune, De Laurentiis abandonne le projet, et c'est Schwarzennegger, qui avait essayé d'obtenir le rôle, qui reprend en main le projet. Il trouve le producteur, Carolco pictures, puis le réalisateur, Paul Verhoeven, qui l'avait déjà envisagé pour le rôle-titre de Robocop. C'est encore Schwarzennegger qui trouvera le scénariste pour boucler le dernier acte qui faisait défaut au scénario. Rob Bottin³, enfin, s'occupera des effets de maquillage avec le succès qu'on connaît. Total recall a vieilli, certes, mais n'a rien perdu de son efficacité.
Pour en faire un bon remake, il faudrait déjà pouvoir garder tout le contenu Dickien, tout simplement, à l'inverse de quoi vous n'obtiendrez qu'un film lambda.
Si Terminator est au patrimoine national américain⁴, alors Total recall est à inscrire au patrimoine martien.

Total recall est largement un chef d’œuvre, et l'émergence des effets spéciaux numériques n'auront fait que le graver un peu plus profondément dans le marbre.


1. Le réalisme béton et fusil à pompe, comme je l'appellerai dorénavant à défaut de trouver le nom d'origine, c'est une esthétique d'inspiration industrielle, béton, à l'exact opposé de la fantasy : Outland, Toal recall, Starship troopers, Wing commander, Event horizon...
2. Scénariste notamment de The Long tomorrow avec Moebius, qui inspirera le film Blade Runner, et d'Alien le 8e passager.
3. Responsable des effets spéciaux sur the Thing.
4. Véridique. 

Cinéma, science, fiction, anticipation, espionnage, action, thriller, colonisation spatiale,  androïdes, mutation, Arnold Schwarzennegger, Paul Verhoeven, critique, analyse

Prisoners of power [Film] 2009

Aventures SF | Russie |

Ciné - Crashé sur Saraksh
Prisoners of powers : Battlestar rebellion ; 2157 Planète inconnue ; Dark planet... Ah, tous ces titres qui sentent la série B de vidéoclub, le temps béni de la VHS avec ses chefs d’œuvres inconnus...
Un film de SF utopiste et foncièrement positiviste, un style plutôt léger : il s'agit effectivement d'un film pour adolescents et jeunes adultes, mais comme nous allons le voir, il vaut largement son pesant de cacahuètes...

"2157. L'âge d'or de l'humanité. Armés de la grande théorie de l'éducation, les Hommes ont oublié les guerres, la famine, et le terrorisme. La nature revit, la médecine a réussi à éradiquer les maladies et a permis d'exploiter toutes les facultés du corps humain. Les Terriens ont colonisé de lointaines planètes. Pour les nouvelles générations, les vols de prospection sont monnaie courante, et la dernière race de terriens est aussi forte et téméraire que naïve. Elle pense que rien ne lui est impossible."
A bord de sa fusée personnelle, Maxim discute avec sa grand-mère par "radio". Elle n'a pas fini de le sermonner sur son groupe de recherche libre qu'un astéroïde percute son vaisseau, et le voilà crashé sur Saraksh.

Maxime Kammerer vient de la Terre, une Terre idéale dont on n'apprendra presque rien. Il est parfait : une forme athlétique, une certaine invulnérabilité même. Un personnage qu'on suppose très instruit, mais poussé par l'intelligence du cœur. On ne sait pas trop si c'est à cause de son côté électron libre, ou de sa force incroyable, que les différents services du gouvernement tenteront de lui mettre le grappin dessus.
Un film frais, ambitieux, qui flirte avec 1984 et le mensonge d'état. Il est adapté d'un roman de 1971 paru en France sous le titre de L’Île habitée, écrit par Arcadi et Boris Strougatski, aussi auteurs de Stalker (1972) et Il est difficile d'être un dieu, également portés à l'écran. Dans leurs romans ils n'épargnent pas le régime soviétique, qui les censurera dès 1969, mais ils continueront de publier clandestinement jusque dans les années 80.
De son côté, le réalisateur Fiodor Bondartchouk fera Attraction en 2017.

2157 est tout-à-fait intéressant car malgré son côté grosse prod pour ados (le personnage principal est, en quelque sorte, un étudiant en voyage linguistique). L'utopie est un genre particulièrement difficile, et prend ici la forme d'une "utopie en balade dans une dystopie¹". La dystopie est déjà digérée, et sert ici essentiellement de décor.
Si on est loin du traitement d'Andreï Tarkovsky sur Stalker, ou même de la dernière adaptation, un poil incongrue et théâtrale, d'Il est difficile d'être un dieu, il explore des sujets tout aussi intéressants comme la société de contrôle, le choc des cultures, l'éducation, le surhumain...
2157 c'est aussi la rencontre d'un militaire et d'un pacifiste, et donc, il prend par moments la forme d'un buddy movie original.
Dans le futur, les héros sont de grands blondinets frisés avec des sweats à capuche, et la fange des bas-fonds, des dark cosplayeurs. Mais justement, les personnages sont très typés et de nombreuses trouvailles visuelles ponctuent ce film très "bande-dessinée", c'est-à-dire coloré et décomplexé.

Les décors, assemblages de béton obliques, rappellent l'architecture post-constructiviste. Un monde futuriste régi par des Pères inconnus, où l'on trouve patrouilles volantes, cyborgs, des designs de véhicules beaux et rares (on pense à Total recall), mais surtout efficaces.

Un découpage épique qui pourra surprendre ou ennuyer : il s'agit en fait d'une compilation de deux films, réalisée pour l'international.



1. Pas si dystopique d'ailleurs : où les prisonniers ne sont pas menottés, où les fonctionnaires commettent des fautes graves et sont tout simplement virés, où d'ailleurs ils éteignent leur cigarette à la demande des prisonniers, où les chefs d'état reçoivent des appels de leur "papa". On est loin du manichéisme à la Star wars...

Film, science, fiction, space opera, dystopie, utopie, colonisation spatiale, mutation, théorie de l'éducation, action SF, surhumain, cyborg, critique, analyse

Osiris la 9e planète [Film] 2016

Rescue movie | Australie |

ou The Osiris child : Science-fiction volume one

Ciné - Un space opera en eaux troubles
Un film d'aventure/action SF qui démarre sur les chapeaux de roues, ou presque (dans l'intro la "voiture" n'a pas de roues...).
Le film commence avec la voix de la fille du héros qui nous propose un mystère, une quête à l'autre bout de l'univers.
Mais dans le présent elle traverse le désert avec son père à bord d'un "landspeeder", il lui explique ce qu'ils font là, que la planète-colonie Osiris sera leur nouveau foyer. Et pourquoi ils ne seront pas ensemble la semaine suivante.
Le lendemain matin, il se réveille dans sa chambre, à bord de la base militaire aérienne au-dessus d'Osiris. Il consulte sa boîte mail (qui s'appelle sans doute autrement) mais les communications sont coupées. Leur Commander leur fait un topo : une émeute de prisonniers fait rage dans le camp de travail planétaire. Mais le bras droit de la commander, un ami à lui, vient lui expliquer la réalité de la situation : il n'a que 23h pour sauver sa fille.


Comment vous dire que dans son genre, disparate, d'action/aventure, Osiris est plutôt une bonne surprise ? Sans être hyper originale l'histoire dévoile un certain nombre d'éléments rares et émoustillants : une course-poursuite dans les nuages (sans doute le meilleur morceau), de beaux hand-made¹ monstres, des flashs-back sur Terre, des effets spéciaux réussis, une narration anachronique, un génocide à éviter, un final étonnant...
Mais les qualités d'Osiris font aussi ses défauts : ses monstres (oripeaux) sont franchement boîteux, sa narration sent le bricolage, et son histoire balance entre SF militaire, carcérale, planet opera, survival... les plus exigeants verront le film faire ce qu'il veut, ce qu'il peut...
Son découpage un peu artificiel, c'est-à-dire moyennement organique dans le jargon, voire l'ellipse énorme qui sent la scène cutée au dernier moment (ou le trou scénaristique, au choix).
Mais les problèmes et questions qu'Osiris semble poser, c'est qu'avec un scénario flaibard mais honnête, une bonne mise en scène et des FX qualitatifs, une partie du public reste sceptique et n'adhère pas. Le public le plus exigeant souhaite de l'originalité, tant que le film est compréhensible et fait à leur convenance. Alors, en admettant que l'équation soit possible (c'est vrai qu'on en vu quelques uns) elle n'est pas infaillible pour autant. La preuve, c'est que si Osiris a effectivement des faiblesses, pêchant par trop vouloir peut-être, faut-il vraiment regretter une absence de codes ou un plan scénaristique claudiquant ?
C'est vrai qu'en hésitant entre le space opera (un genre coloré) et la SF militaire (plus réaliste), difficile de se lâcher complètement. Difficile de créer des personnages charismatiques dans des conditions si peu propices au fun.
Troisième question, le titre original (The Osiris child : Science-fiction volume one) est-il simplement un coup marketing façon épisode IV ou y avait-il une vraie intention à la sortie de la première version du script ?
Et enfin, est-ce vraiment sérieux de mettre le terme "Science-fiction" dans un titre de film de science-fiction ?

Donc : un PETIT film qui sans vraiment convaincre, fonctionne assez bien comme un grand (puisque tous les critiques s'échinent à le comparer aux grands).
Une petite bouffée d'oxygène que ce PETIT film d'aventures/action scifi au milieu de la déferlante de "GRANDS" films pseudo-réalistes (ou plus rapprochés dans le temps) à la mode : Moon, Seul sur Mars, The Last day on Mars, Patati-patata sur Mars en passant par la lune, j'ai envoyé ma Tesla sur Mars... qui accompagnent le renouveau de la reconquête spatial.
A réserver aux amateurs de SF, donc, qui pourront le ranger derrière Prisoners of power et consorts.
 
Un peu comme le Cinquième élément, donc. Un coup moyen, un coup sympa.

Maintenant, sachant que la "bonne" SF est censée soulever de grands problèmes sociaux et/ou philosophiques, faut-il trouver un thème de fond à Osiris ? Faut-il trouver un engagement artistique ou un essai d'historiographie au fait d'évoquer des camps de prisonniers en colonie, des créatures créées pour écraser les autochtones ? Je vous laisse seul juge.
 

Cinéma, science-fiction, space opera, mutation, aventures, critique, analyse,  Shane Abbess

Aquablue 6 à 11, review [BD] 1994-2006

Aventures SF | France |

BD - Blockbuster, science-fiction et traditions
Aquablue a commencé il y a bien, bien longtemps... et puis il avait déçu en changeant de dessinateur, au tome 5. Déçu comme à un enfant à qui on révèle que les effets spéciaux des épisodes I, II, III de Star Wars vont être réalisés en synthèse. Que Yoda va faire des saltos ! Grave erreur, cependant ! Concernant Aquablue du moins (nous parlerons de Star Wars en temps voulu).
Tout comme dans les séries TV ou ciné, on aime moyen qu'un personnage change d'interprète (ou qu'il change de couleur entre deux médias), et en l'occurrence, qu'une série BD change de dessinateur : pour le coup tous les personnages changent d'apparence !
Ou est-ce finalement la question de l'imaginaire du spectateur violé ? BRRRRRREF !
Mais aussi il y aura peut-être eu confusion dans la promo du second cycle (à l'époque les auteurs avaient parlé d'une série parallèle¹).
Toutefois, cette série est très bonne, et ce serait injuste de la bouder encore. Certes, on pourrait avoir passé l'âge. Mais il faut préciser que les cycles de l’Étoile blanche et des Cynos sont vraiment bien écrits, et que si Vatine est parti voir ailleurs, et bien passée la déception (enfantine) il faut bien admettre qu'au bout du compte, il a bien fait. Jetez donc un œil sur sa prod, ses collabs et son apport à la BD française en général². C'est un des rares auteurs à l'américaine qui a su travailler dans la pub et le cinéma.

Je ne reviendrai pas sur le premier cycle très réussi, encensé à l'époque et pour cause.

L’Étoile Blanche commence dans une décharge, avec deux petits surdoués à la recherche d'un robot pour récupérer une pièce de rechange. Ils trouvent Cybot, le robot de Nao, tout éteint, et le sortent de là malgré la férocité du gardien et de sa hyène cyborg³.
Commence alors un long flash-back avec un programme en clair pour le scénariste : amorcer un nouveau départ (un nouveau cycle) en-dehors de la planète Aquablue (pour mieux y revenir par la suite...). Un double retour en arrière, puisque l'histoire de Cybot retrace la découverte de l'épave de l’Étoile blanche, la même Etoile blanche qu'au tome 1 Nao et lui avaient dû quitter dans la précipitation.
(On notera au passage la ressemblance de ce tout premier commencement avec celui de Superman, mais surtout Tarzan...)
Cybot raconte entre autres les péripéties puis l'enlèvement de Nao et de la popstar cosmique Van Vestaal.
Le flash-back prend fin en même temps que l'album sur un non moins double cliffhanger : alors que l'initiateur du complot retrouve les enfants durant les toutes dernières pages, ceux-ci s'échappent comme par magie. Non franchement faut plussoyer. Un scénario bien ficelé c'est déjà bien, mais là ! Si vous avez l'impression que j'ai spolié, sachez que l'ensemble ne vaut pas le coup que pour son final.
Du point de vue graphique quant à lui, ce prélude peut paraître plus maladroit. Parce que tout bonnement, il peut y avoir un temps d'adaptation pour le dessinateur à reprendre ou commencer une série. Revoyez les toutes premières planches de Vatine comparées à celles du cinquième épisode, ou même celles de Lanfeust, un autre blockbuster. De toutes façons, après quelques pages, le graphisme de Tota prend toute sa superbe dans l'action.
On pourra aussi noter la liberté de ton de ce second cycle, que tout le monde n'aura pas forcément apprécié et qui disparaîtra de la série. Tout comme les deux jeunes protagonistes surdoués qui, au passage, auraient pu / pourraient être fort utiles à la Fondation Aquablue par la suite.

Sur le troisième cycle, c'est le passage aux couleurs numériques qui passe mal. En 2001, on avait bien dix ans de retard sur les states au niveau colo et le résultat rappelle alors les premières années d'Image comics⁴. Mais on oublie vite et se laisse prendre par le récit mélangeant puits de gravité, chasse aux dinos et intérêts commerciaux... Niveau couleurs, le deuxième tome est nettement plus beau.

En partant de ce qui ressemble à un clin d'oeil à Valerian (cf. : les Armes vivantes), le quatrième cycle relève encore un défi : intégrer un fantastique d'origine magique à l'univers d'Aquablue. Ça circonvolue, et malgré le dessin de Siro, ça ressemble encore un peu à de l'Aquablue. Scénaristiquement, c'est osé, c'est-à-dire que de nouveaux ingrédients entrent dans la composition de la saga. Nao, devenu père, aux prises avec ses sentiments et avec les affres de la vieillesse... Une planète de sable, de l'horreur... les personnages secondaires sont moins corsés (que dans le deuxième cycle) mais les contre-pieds sont suffisamment nombreux pour que l'entreprise reste intéressante. Il y a beaucoup de bonnes idées, mais ça ne colle pas vraiment. Honnêtement, c'est le cycle que j'aime le moins. Mais vous l'aurez compris, ça se ressource.

A défaut d'être le blockbuster attendu, une très bonne série B à suivre.
La suite de la saga, dessinée par Reno, très prochainement :)
 
Aquablue 6 à 11. Scénario : Thierry Cailleteau ; Dessin : Ciro Tota, Siro. Publié chez Delcourt.


1. A ce sujet une interview d'Olivier Vatine et Thierry Cailleteau de 2004 http://www.bdparadisio.com/Intwcailleteau.htm
2. En plus de ses travaux crédités que vous pourrez trouver sur le site de la bédéthèque, je vous conseille son Petit livre rouge du story-board.
3. Moi j'aimerai bien être copain avec une hyène
4. Les tous débuts de la colorisation informatique. En 1990, avec la version américaine d'Akira, débute la colorisation informatique. En 1992 naît l'éditeur Image comics, qui publie Spawn, Wildcats...

Bande-dessinée, space opera, écologie, fantasy, aventures, critique, analyse, Delcourt, Thierry Cailleteau, Olivier Vatine, Ciro Tota, Siro, Reno

Infinity 8 1,2, et 3 [BD] 2016-2017

Policier SF | France |

BD - Infinity 8 : Mystères et boucles temporelles
Après un premier tome, à l'esthétique horreur mais sympathique, qui met en place une trame difficile en formes de boucles temporelles, c'est une sacrée surprise qu'offre Infinity 8. Effectivement, le premier épisode évolue en terrain connu en terme de dialogues et d'humour, et force le trait avec sa Yoko Kev à la quête de géniteur bien appuyée, mais ! tout ça dans un environnement macabre dont on n'a pas bien l'habitude.
En gros, on y va doucement sur le scénario tout en proposant des trucs nouveaux tout en n'étant pas vraiment nouveau : une mise en page en gaufrier par exemple. Ce premier épisode est référencé comics et particulièrement EC comics¹, Weird science... ces bédés US des 50's, sci-fi heroes & cie.

Mais c'est une fois le premier "reboot" digéré, qu'on intègre le concept et qu'on peut pleinement profiter de la boucle temporelle.
Avec le deuxième épisode, on croit tout d'abord être dans une énième histoire de nazis (merci les Aventuriers de l'Arche perdue) mais surprise, c'en sera pas vraiment une. Surprise, sauf pour qui connaît la finesse et la modernité de l'écriture de Trondheim, depuis que son écriture est devenue exponentielle chez Dargaud et Poisson pilote...
Certains tiqueront peut-être sur la colo très "ordi" (mais enfin qui ça continue à gêner, à part mon pote Gérald ?), mais elle réserve de bonnes surprises, qui plus est le style de Vatine, sur ce second tome, se prête parfaitement au comics. Oui, j'associe comics et colo numérique².

Sur le troisième épisode, c'est carrément olé-olé. Trondheim et Vehlmann aborde une thématique que j'ai moi-même essayée (mais non publiée) : la religion (du futur !). Et oui, c'est un problème philosophique et sociologique d'importance, puisqu'il constitue le grave dilemme que nous connaissons. Car malgré l'avancée de la science, l'athéisme reste encore une religion en soi (notez comment nous inversons malicieusement le problème). Et prenons en compte la montée des orthodoxies, mais aussi le véganisme et l'intrusion des morales religieuses associées... bref, la SF doit-elle nécessairement taire ce sujet qui nous divise si facilement ? Réponse : bien au contraire, puisque la SF est censée faire réfléchir par anticipation.
Sur le plan visuel, ce 3e tome est une belle performance d'Olivier Balez (qui mérite bien son nom, donc), avec des couleurs numériques évoquant paradoxalement bien les bédés psychédéliques des seventies.

J'en suis resté au troisième, pour l'instant, et j'espère que la série va rester au top sur le scénario, parce que ça fait vraiment plaisir à lire.
Faut-il s'appeler Trondheim, et avoir toute son expérience scénaristique, pour chapeauter des concepts aussi tarabiscotés, aussi pointus sans perdre le lecteur ? Je conclurai sur cette question si je ne pensais pas tout à coup à Aâma, une autre très belle bande si vous êtes exigeants en SF et aimez les BD mutantes.
 
INFINITY 8. Scénario : Lewis Trondheim, Zep, Olivier Vatine, Fabien Vehlmann ; Dessin : Dominique Bertail, Olivier Vatine, Olivier Balez.


1. EC comics est tenue pour principale responsable de l'avènement de l'horreur et du mauvais goût dans les B.D. destinées aux adolescents, qui s'ensuivirent du Comics code authority.
2. J'ai déjà expliqué ça : la colorisation numérique est née avec la version US d'Akira en 1990, et s'est démocratisée avec Image comics (et Malibu comics) dès 1992 qui publia Spawn, Wildcats, Witchblade... Ils reproduirent finalement le schéma de la Nouvelle Vague en France, associant leurs nouvelles ambitions à une nouvelle technologie. Chez Image comics, les auteurs voulurent s'affranchir du studio Marvel qui brevetait systématiquement les nouveaux personnages en son nom.

Bande-dessinée, science-fiction, space opera, androïdes, espace-temps, IA, Policier, critique, analyse, Lewis Trondheim, Dominique Bertail, Olivier Vatine, Olivier Balez

Supernova [Film] 2000

Rescue movie | USA, Suisse |

Ciné - Un rescue movie qui ne tourne pas assez mal : Supernova
Comment dire, écrire une critique de Supernova c'est comme parler de l'oligocène et d'un medley d'Earth, wind and fire en même temps. Déjà parce que de l'eau a coulé sous les ponts en matière de SF, mais aussi parce qu'il tient du bricolage. Et puis parler de ses thèmes, ce serait un peu le spoiler. Cette analyse ne sera donc pas comme j'aurais aimé qu'elle soit. M'enfin !

J'avais trouvé ce film il y a déjà un petit moment, en parcourant la filmographie d'Angela Bassett que j'avais adoré dans Strange days, et ce fut une bonne surprise. Sauf que je ne n'avais pas vu ce que l'affiche promettait : "La terreur a une nouvelle dimension". Et heureusement.
Six personnages embarqués dans un "vaisseau de sauvetage d'urgences médicales" (wtf?) avec une Intelligence Artificielle un peu dérangée en guise d'ordinateur de vol.
Donc l'histoire commence au milieu de nulle part, au XXII° siècle, avec Benjamin, l'informaticien, et son I.A. reprogrammée qui veut jouer aux échecs en plein cycle de nuit, un couple qui tue l'ennui en faisant l'amur (au point d'oublier de bosser), un commandant qui fait une thèse d'anthropologie sur les dessins animés du XX° siècle¹, un militaire en cure de désintox au Hazen, une doctoresse docteure. Et un robot qui ne sait pas mettre un pied devant l'autre correctement.
Le vaisseau reçoit un signal de détresse provenant de Titan 37, une planète minière abandonnée bien au-delà des postes les plus avancés. La planète a quitté son orbite pour une raison inconnue, c'est pourquoi elle dérive dans l'espace non-cartographié. A 3432 années-lumières de là, le message a été envoyé il y a cinq jours, et il est signé Carl James Larsen, c'est l'ex de la docteure qui était accro au Hazen.
On a ici un premier flash-forward².
Donc nous sommes dans un univers où les messages "radio" parcourt 3432 a-l en cinq jours, et où les vaisseaux voyagent à la vitesse de la lumière et parcourent ces mêmes 3432 en quelques minutes, alors que parallèlement la technologie de la robotique semble avoir été complètement délaissée... Ça sent franchement la fumisterie mais admettons. Mettons ça sur le dos de la traduction pour l'instant³. D'autant plus que l'I.A. parle d'un saut dimensionnel plus tard, et même d'une accélération plasmatique, OK ? Chose faite (le saut est d'ailleurs très réussi), ils se retrouvent parmi les débris d'une planète explosée, avec un commandant en forme de galette bretonne alien vivante⁴. Rapidement un astéroïde détruit le réservoir principal⁵ et la panade commence.

Expliquer le naufrage du film ? En plus d'une fabrication s'étendant sur plusieurs années, des refilmages suite à plusieurs changements de réalisateurs et même d'intentions, des dépassements de budget incessants puis stoppés, on pourra constater que la rigueur scientifique n'y était pas. Et pour certains commentateurs, les comédiens non plus n'avaient pas l'air d'y être.
Pour moi le ton est assez juste, on a quand même affaire à des "tronches" en self-control... vous trouvez Thomas Pesquet expressif vous ? Des gens équilibrés, stables, à l'humeur égale⁶. Imaginez-vous dans l'espace, vous seriez comment ? Paniqué ? Euphorique ? Hystérique ? Normal ? James Spader à contre-emploi n'est pas mal non plus, d'autant plus que sa lassitude est expliquée par sa désintox au hazen. Le personnage joué par Emilo "la Bamba" Estevez, lui, n'a aucune épaisseur.

Cependant, le film a été plutôt mal vendu comme le nouveau film horrifique dans l'espace, ce qu'il n'est pas du tout. Et donc, quel est le genre du film ?
Rencontre du deuxième type et demi, vie et survie dans l'espace, mutation... de nombreux thèmes parcourent le film. Et de nombreux genres transparaissent : space opéra, survival sans suspense, huis-clos... Mais est-ce que 2001 avait un genre défini ?  Interstellar ? Prityazhenie ? Si le genre est parfois un ensemble de code pour raconter une histoire, il est avant tout une convention et un contrat tacite avec le spectateur.

Alors pas de suspense, pas de frisson, mais une bonne idée d'histoire avec de bonnes idées dedans.


1. Et pourquoi pas les films SF des fifties tant qu'on y est ?
2. Flash du futur.
3. Quasiment pareil en v.o.
4. Une recette de galette piquée à The Thing.
5. Quoi ils sont pas équipés contre ce genre de pépin au XXII° siècle ?
6. Le même reproche avait déjà été fait à 2001, l'Odyssée de l'espace.

Cinéma, science-fiction, colonisation spatiale, IA, critique, analyse, Walter Hill, James Spader, Angela Bassett

Le Château des étoiles 1,2,3,4 [BD] 2014-2018

Fantasy scientifique | France |


BD - Un Voyage extraplanétaire extraordinaire
C'est clairement la question du genre, son goût de l'aventure scientifique et sa maîtrise des couleurs qui frappent dans Le Château des étoiles.
Alors qu'en dire, sans vous spolier vos surprises ? Et bien déjà, que la promo mise en place autour de cette série, notamment avec le "journal" contenant les mini-épisodes, n'en est pas une : il s'agit d'une pré-publication. De deux, elle est doublement légitime : pour la première raison du coup, parce qu'une pré-publication s'autolégitime, et aussi parce c'est une bonne série de fantasy qui méritait de se faire remarquer.

Ce n'est pas du steampunk, comme on aura pu le lire. Malgré le fait de l'esthétique, qui effectivement rappelle le steam (uchronie, dirigeables, contexte historique...), le scénario s'en démarque facilement, tout simplement en n'utilisant pas de vapeur (steam en anglais), mais de l'éther. Cet éther ne faisant pas référence à l'éther médical, mais plutôt au 5e élément des philosophes antiques : le Ciel. Ici, il s'agit de l'énergie contenue dans le vide spatial, au-delà de la barre des 30.000 mètres.
L'histoire commence en 1868, à Courrière, avec Marie Dulac et son détecteur d'éther embarqué dans une montgolfière, puis se poursuit très rapidement en Bavière, où le journal de Marie est tombé, avec Louis II de Bavière et Bismark, et seulement au 3e volume, en Angleterre. Je précise pour bien signifier le rapport au steampunk pour ceux que ça intéresse. C'est plutôt l'exposition universelle et Jules Verne qui sont au coeur de l'esthétique, on doit donc pouvoir parler de Merveilleux scientifique plutôt que de Steampunk, voire de Fantasy scientifique. Mais comme il s'agit d'un code esthétique et non d'un genre narratif, je ne m'y attarderai pas plus que ça.

Les couleurs, réalisées à l'aquarelle, sont de toute beauté.
Quelques références sont communes à notre monde : Les Aventures du baron de Münchhausen, Descartes, Newton, Les Chevaliers de la Table Ronde...
L'histoire montre plusieurs intérêts, notamment scientifique et historique. A travers une "petite" relecture des deux...
Sous son aspect désuet, se cache une espèce de plausibilité scientifique. Car plongés dans l'histoire en compagnie d'ingénieurs et de mécaniciens, nous sommes gentiment abreuvés de données mathématiques et mécaniques, et l'on se prend à rêver, comme le jeune héros, qu'il y ait une flore exotique sous l'atmosphère épaisse de Vénus, et de l'oxygène, toutefois raréfié, sur la surface de Mars.
Si l'influence non pas manga (ce que nombre déteste) mais animé japonais (ce qu'on adore depuis les 80's) se fait sentir dès la rencontre avec Hans, le jeune bavarois au gros nez, au 3e épisode l'influence de Myazaki apparaît plus nettement, car ce n'est plus la seule présence de l'aquarelle ou des personnages enfantins : engins inventifs, personnages féminins forts... (en plus du détournement direct d'une illustration quasi d'épinal de Nausicaä).
Et c'est ce qui pourra déplaire, d'ailleurs, le côté enfantin. Car les héros sont effectivement trois enfants, plongés dans des intrigues d'espionnage et de géopolitique. Mais l'histoire est suffisamment ambitieuse et montre suffisamment d'intérêt pour passer outre une identification "régressive".
Un univers riche, et de bonnes idées.

Le 4e album est toutefois un peu déstabilisant : si les trois premiers albums fonctionnaient dans un imaginaire collectif reposant sur des références XIX°, nous sommes parachutés en terrain inconnu au quatrième. Mars n'étant pas vraiment une référence du XIXe (John Carter apparaîtra en 1912, et ce sera encore de la fantasy sans référence à la science), on peut avoir le sentiment d'une rupture dans l'univers, et ça pourra paraître plus fluide pour un lectorat moins au courant de ces références (le jeune lectorat). Il y aussi que les autochtones de Mars (Martiaux) ne sont pas très bavards, et cela entraîne, selon moi encore, une rupture narrative. Le dessin et l'aquarelle, de leur côté, semblent aussi plus flous et moins détaillés.
L'ensemble reste toutefois original et de qualité.

Une belle série pour les petits et grands enfants donc.
 
LE CHÂTEAU DES ÉTOILES : Scénario & dessin d'Alex Alice. Publié chez Rue de Sèvres. 

Fantasy scientifique, science-fiction, bande-dessinée, aventures, critique, analyse, Rue de Sèvres, Alex Alice

Sillage 20 : Résumé des épisodes précédents [BD] 2019

Espionnage SF /Space opera | France |

BD - Espionnage spatial et quête des origines
Quand on tombe sur les illustrations de couvertures de Sillage, on peut trouver ça sympathique, mais pas pour autant transcendantal quand on a passé la trentaine... relooking intéressant, mais très orienté ado. Et l'idée d'une ado indienne à moitié à poil, même du futur, ça peut laisser sceptique.
Pour ma part c'est de nombreuses séries et one-shots de science-fiction (qui vainquirent mes préjugés) plus tard, que je retombais sur la petite Nävis et me dis "bah ! peut-être son côté punk".
Surtout que l'histoire est signée Jean-David Morvan, qui m'avait marqué plus jeune avec le premier épisode de TDB : Trop de bonheur.

Je découvrais alors, bluffé, cette héroïne caractérielle et ses compagnons dévoués (et pour cause), des scénarios¹ de haut vol, lesquels aiment se jouer des apparences et nous ouvrir l'esprit en même temps qu'à son héroïne. Loin d'être expérimental, mais des parti pris osés et une vision moderne. Une série factuellement très proche de Valerian, disons franchement (Aquablue ayant passé son tour en tant que successeur), sa descendante par les thèmes et les objectifs.
Blockbuster², c'est un terme qui semble bien leur aller.

Je ne reviendrai pas aujourd'hui sur l'ensemble de la saga qui se compose déjà de 20 tomes et deux séries spin-off, et je ne suis pas sûr d'avoir prochainement le loisir de rédiger un article de ce genre. Je vais commencer directement avec l'épisode 17, puisqu'il constitue le début d'une espèce de trilogie mettant de nouveaux éléments en place et préparant selon moi l'épisode 20 Mise à jour sorti fin 2019.
Vous admettrez qu'il sera difficile de ne pas spoiler, mais l'article est pensé pour préserver les surprises à ceux qui voudraient découvrir la série, en privilégiant le sous-texte et les contenus thématiques.

L'épisode 17 Grands froids nous ramène sur TRI-JJ768, où Nävis a rencontré Clément Vildieu (lol) lors du tome 3 et avec qui elle a donné naissance à Yannseï, son fils caché... là tout-de-suite, on se croirait un peu dans un space soap-opera type Amour, gloire et beauté, mais il n'en est rien. Même si la série comporte une dose émotionnelle/sentimentale qui crédibilise et soude les personnages, Nävis n'a jamais eu qu'une histoire de cœur (et avec un révolutionnaire de surcroît³).
Sa mission est la suivante : dérober l'ornosphère (pivot de cette trilogie), dont elle ne veut rien savoir : les intrigues politiques sournoises de Sillage ne l'intéressent plus du tout⁴. Elle rencontrera Jules, un petit génie, et retrouvera ses amis Püntas. En plus de présenter une intrigue d'espionnage au parfum d'anarchie (Morvan peuple des mondes que je dirais très "représentatifs" à défaut d'être proprement réalistes⁵), la planète TRI-JJ768 a enfanté l'espèce la plus proche génétiquement de celle de Nävis (rappelons-le, la seule humaine du convoi).
On découvrira que l'ornosphère, crainte par les sages (psy-actifs) Püntas, est convoitée par les "Impériaux", tout comme Jules qui a en sa possession les notes secrètes de l'ancien "Empereur". Par la suite le petit Jules, qui se trouve être la petite nièce de son ancien amant⁶, intégrera le convoi du Sillage grâce à sa bravoure (et accessoirement grâce aux soins devant lui être apportés).

Dans Psycholocauste (t.18), ça dégénère GRAVE. Alors que se déroule la discussion parlementaire au sujet de l'intégration de Juliette (ex-Jules) dans le convoi, à laquelle Nävis assiste, Bobo est en mission sur Tartaruga.
Au passage, ces épisodes font penser aux "épisodes flashbacks" dans les séries TV, quand les personnages se remémorent les meilleurs moments de l'année. Sauf qu'ici bien sûr (quel intérêt en BD ?), il s'agit bel et bien de nouvelles histoires, mais dans des endroits déjà visités et avec des personnages déjà croisés : il y a beaucoup d'auto-références dans ces trois albums... Bref, Bobo est à Tartaruga pour acheter l'ornosphère dont ils ont retrouvé la piste, mais les ondes de l'amplificateur psy d'un autre acheteur provoque l'"éclosion" du bidule, qui s'avère être un virus créé de toutes pièces par les humains (mais ils ne le savent pas encore) pour éradiquer les espèces psy-actives. Pour rappel, la psy-activité est une constante chez les espèces de Sillage, il s'agit de capacités PSY (téléportation, télépathie...) dont pratiquement seuls les humains sont dénués. BREF, c'est le bazar et les autorités sont incapables de stopper la pandémie (on est en 2015). Nävis forme une équipe spéciale, dont Juliette sera le "cerveau", pour trouver l'antidote. Avec l'aide inopinée, aussi, du dernier Yiarhu-Kah⁷. Re-BREF, Juliette est intégrée parmi les espèces du convoi spatial.
Je ne sais plus pendant la lecture duquel des deux tomes je me suis dit "punaise, Morvan est TROP balèze", mais c'était par rapport à du sous-texte ou à de la structure scénaristique (difficile de retrouver des impressions de lecture). Tout ça pour dire, Sillage c'est de la belle ouvrage.

Temps mort (t.19) commence avec un couple d'aliens tout-à-fait zarbis capables d'arrêter le temps, ce qu'ils font lors d'une fusillade qui oppose Nävis, Bobo, Yannseï et Juliette à des robots. On assiste à la mort des protagonistes, par projection, puis Nävis, Yannseï et Juliette (la famille recomposée/ famille nucléaire ?) sont pris à parti dans le temps suspendu pour expliquer comment ils sont arrivés là. Un type d'exercice scénaristique très particulier donc, à grand renfort de flash-backs (ce n'est pas nouveau chez Sillage, mais ça fait toujours plaisir). L'épisode voit aussi l'apparition de trois nouveaux personnages qui, comme Bobo et Juliette, se distinguent de leur peuple par une subite prise de conscience les extirpant d'un déterminisme social (les thématiques sociales sont récurrentes chez Morvan). Nävis rencontre à nouveau le Yiarhu-kah au cours de la filature censée l'amener au revendeur d'ornosphère. Il lui confiera plus tard l'éducation de sa couvée, en même temps qu'un psiyôorm qui lui permettra dès lors la téléportation. Et c'est bien ce psiyôorm qui indique déjà un nouveau départ dans la saga : Nävis gagne une mise à jour de sa personne, comme un joueur de RPG qui gagne un pouvoir ou un artefact.

Voilà pourquoi cette "trilogie" est déterminante, et pourquoi il faut relire les trois.
Alors vous me direz, les éléments qui lient cet arc narratif ne sont pas beaucoup plus évidents que pour les autres tomes, que les autoréférences parcourent la série d'autant plus qu'elle s'articule bel et bien comme un soap : chaque tome étant la suite directe (ou quasi) du précédent.
Effectivement, si la série n'a jamais présenté clairement d'arcs ni de  cycles, il me semblait intéressant d'extraire ces tomes en particulier parce qu'ils précèdent et préparent le renouveau de la série (le tome 20 Mise à jour) et que je crois qu'il a été pensé comme tel, avec l'ornosphère (sphère ornementale ??⁸) au centre.

Dans tous les cas, ces trois épisodes (et certainement le prochain) sont déterminants dans la saga.
L'ornosphère créée par des humains, qui représente la quête d'identité et de sens de Nävis... Que nous réserve le tome 20 ? Suite au prochain épisode !

Oui l'axe de mes analyses est avant tout scénaristique. Mais on saluera quand même l'immense travail de Philippe Buchet...
 
SILLAGE 17, 18, 19. Scénario : Jean-David Morvan ; Dessin & couleurs : Philippe Bucher. Publié chez Delcourt.  


1. Normalement on dit scenarii mais bon.
2. Blockbuster ! : c'est d'ailleurs le titre du recueil consacré au travail de Buchet.
3. Remember Sambre d'Yslaire.
4. C'était tout le piment des premiers épisodes.
5. Et c'est une des fonctions de la science-fiction : tout en étant très loin du présent, les problématiques sont très similaires aux nôtres... sinon on ne comprendrait rien (et le genre ne serait d'aucune utilité). Comme preuve, Dune. Si on n'était pas dans la tête des personnages, on ne comprendrait rien à leurs mœurs subtils... Difficile d'exposer des problèmes encore inexistants dans nos sociétés, des thématiques qui ne sont pas encore conscientisées, ou même de présenter des personnages non humains (voire robots). Comment s'identifier à des humains de l'an 10.000 ? Le réalisme devrait être le sujet d'une prochaine rubrique.
6. La petite Juliette se déguisait en garçon pour avoir plus de crédibilité !! SOAP ! Mais une idée qui gratte...
7. Voir tome 14 Liquidation totale.
8. https://fr.wiktionary.org/wiki/orno

Espionnage, space opera, science-fiction, bande-dessinée, thriller, société, critique, analyse, Delcourt, JD Morvan

Outland et le space western [Film] 1981

Policier SF | USA |

Ciné - Outland et le space western industriel
Après une longue séquence d'immersion en guise d'introduction¹ pendant laquelle on découvre la colonie minière de Io², on entend deux ouvriers qui discutent de leurs conditions sociales. Mais leur discussion syndicale n'est pas terminée que près d'eux leur collègue a une bouffée délirante. Il croit qu'une araignée est entrée dans sa combinaison et débranche l'arrivée d'air. Sa combinaison dépressurisée, son corps se dilate et explose.
Après ça le nouveau marshall en fonction ("prévôt" dans la version française) commence sa journée avec sa famille. Après avoir fait preuve d'une psychologie toute paternelle, il consulte sa boîte vocale vidéo pour la relève et écoute le rapport de son collègue. Puis part au boulot.
Dans l'usine, du réfectoire au vestiaire on suit les allées et venues d'un ouvrier au comportement louche.
Enfin, dans la salle de réunion, tout le mode fume. Une clope par plan, bonjour l'air conditionné (aaah, l'american way of life...) Comme le marshall vient d'être affecté à sa nouvelle fonction, il se présente à l'équipe. Une collègue se présente à son tour puis c'est le directeur, qui conseille au nouveau de ne pas trop en faire et de la jouer mollo.


Alors tout d'abord, Outland c'est Peter Hyams, le réalisateur de Capricorn One et 2010, mais aussi de Timecop et de La Fin des temps. Même si les succès sont relatifs, on peut dire que c'est pas un manche en la matière de SF.

Mais Outland, c'est aussi un western. O'Niel est un marshall fédéral qui n'a rien à perdre et fait régner l'ordre et la justice avec un fusil à pompe. Un fusil à pompe, ça peut avoir l'air bête au premier abord, car rien de tel pour déglinguer une installation spatiale qu'un truc à balle réelle. Seulement voilà, dans ce futur lointain-là, les blasters et sabres laser n'ont pas encore été inventés³.
Un western à huis clos, outre quelques plans d'insert, une ambiance proche du film carcéral ou social. De la psychologie donc. Des rapports humains. De la tension. Et puis de la bagarre. L'histoire est inspirée du Train sifflera trois fois, un western de 1952, et le film est souvent présenté comme un space western, proposition déjà présente dans Star Wars : son Han Solo qui tire le premier, contrebandier de son état, Luke chez son oncle fermier, sont des éléments western. D'ailleurs toute la planète Tatooine est une ville western où même les pompes à eau ressemblent à des cactus. Pour trancher avec le western, et "l'exotiser", les créateurs l'orientalisent. Les maisons ne sont alors plus carrées comme au Nouveau-Mexique⁴, mais rondes. Solo évoquera encore le western avec son attaque du train et la bande des Cloud Riders.

Mais alors que Star Wars se place par rapport à un passé mythique et fantasmé⁵, Outland est réaliste et terre-à-terre. Car dans ce futur lointain, l'homme extrait ses ressources que dans le système solaire, et les conditions des ouvriers n'ont pas changé : une colonie qui ressemble à une usine (une plateforme pétrolière, en fait), presque une prison, où ses ouvriers se droguent pour échapper au quotidien et la routine... on est très loin de la fantasy de Star Wars. Les deux films semblent finalement n'avoir en commun que leur créateur des costumes, John Mollo.

Outland, c'est aussi une narration à la première personne, autant que faire se peut : nous découvrons les faits en même temps, ou presque, que le marshall (dans le même ordre en tout cas). Nous découvrons les autres personnages de la même façon. Si les coupables sont pressentis dès le début, il n'est pas de mystère non plus pour le personnage principal. Nous ne sommes pas dans un film d'enquête mais dans un policier efficace, ou dans son pendant historique, le film de shériff. Le western c'est les thèmes de la conquête, de la colonisation, mais aussi de l'ordre et de la justice, mais c'est aussi la question de faire régner l'ordre en-dehors de ses frontières (ou dans un territoire mal délimité). Rappelons le titre, thème : Outland.
Et puisqu'on en est aux digressions stylistiques, la scène de squash, impromptue, apporte beaucoup de réalisme au film. A t'elle été un casse-tête ou d'une simplicité effarante à monter ? Anodine... il y a pourtant deux rapports temporels à gérer : la conversation et la partie.

Outland c'est une musique immersive signée Jerry Goldsmith : la Planète des singes (1968), l'Age de cristal, Alien, Star Trek, Gremlins, Explorers, l'Aventure intérieure, Total Recall pour ne citer que quelques films de geeks SF.

Outland c'est aussi un procédé, l'Introvision, qui intègre vachement bien les maquettes et les décors grandeur nature, mais aussi un décor de 5,5m à sept modules.

Toutes ces raisons font de Outland un incontournable de science-fiction.

Enfin 1981 c'est aussi : l'Empire contre-attaque, Mad Max 2, Malevil, Scanners, Bandits bandits, New-York 1997. Une année très compétitive en SF.


1... en guise d'introduction et accessoirement de générique.
2. Lune de Jupiter.
3. Total recall, par exemple, adopte le même type d'esthétique.
4. Les films de Leone en sont un exemple typique.
5. Le western est tant un genre qu'un mythe fondateur.

Policier, science-fiction, cinéma, colonisation spatiale, western, société, critique, analyse, Sean Connery, Peter Hyams, Peter Boyle, Frances Sternhagen

Aiôn [BD] 2019

Thriller SF | France |

BD - Un thriller spatial : Aiôn, de Ludovic Rio
Chapitre 1
Le capitaine Néel, à bord de l'Argo, sort d'hyper-sommeil. L'androïde de bord, Loop, l'accueille. Ils sont à mi-chemin de la Terre, dans le système Alpha Centaury. La procédure de réveil a été enclenchée car le vaisseau a reçu un signal de détresse. La source provient d'une colonie scientifique qui étudie les particularités de l'espace-temps¹.
Mais une fois arrivée, elle ne trouve que l'androïde Maxine, et le cadavre du docteur Elliot Lorentz, dernier résident de la station, mort il y a huit mois. Près de lui, un carnet crypté relatant ses expériences. Tout-à-coup la pièce est condamnée et un générateur se déclenche, altérant bientôt toute forme de vie...


Si son graphisme est très réussi (les couleurs notamment), son scénario n'est pas en reste, car bien que l'histoire n'explore effectivement pas un enjeu social capital, il sait entretenir le mystère, évoquer, réserver ses surprises... sur sa trame de thriller, le ton aussi sait se faire remarquer : contemplatif, tout en douceur, presque d'art et d'essai. Le volume (128 pages) se termine avec une fin ouverte, laissant supposer une suite. Un peu surprenant car ce type de roman graphique ne semblait déjà pas spécialement adapté à la SF (peu de spectaculaire, rythme assez lent et pas spécialement d'humour...). Si l'exercice a déjà été essayé au cinéma, il l'est assez peu en bédé.

Courageux. Du bel ouvrage.

AIÔN. Scénario & dessin : Ludovic Rio ; Couleurs : Christian Lerolle. Publié chez Dargaud.
 

1. Aiôn est par ailleurs un terme tiré du grec utilisé pour définir la destinée, l'ère, l'éternité, ou selon le spécialiste Marcel Detienne : la "force de vie".

Thriller, science-fiction, bande-dessinée, IA, Androïdes, critique, analyse, Dargaud

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