Content-Security-Policy: script-src 'self' https://apis.google.com X-Frame-Options: SAMEORIGIN
Affichage des articles dont le libellé est Société. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Société. Afficher tous les articles

Glass [Film] 2019

Super-héros | USA, Chine |

Sur la piste de la Horde, le sociopathe aux personnalités multiples, David Dunn, alias le superviseur, tient un magasin d'articles de sécurité avec son fils Joseph. Celui-ci lui propose de quadriller le secteur industriel, et comme David a le pouvoir de voir les souvenirs des personnes en les touchant, il découvre où les pompom girls sont retenues prisonnières en croisant Barry (la personnalité enfantine de la Horde). A armes égales avec la Horde, ils peuvent enfin se mettre sur le coin de la moule, mais sont arrêtés par la police lors du combat, et enfermés dans un centre spécialisé. Très spécialisé.
Car mrs. Staple est passée maître dans le traitement des individus persuadés d'être des super-héros, en tant que mythomanes, et se donne trois jours pour les soigner.

On l'a déjà dit, Shyamalan a du mal à frayer avec le spectaculaire. Il ne sublime pas la maladie ni le pathétique (il y a d'ailleurs beaucoup d'humour chez la Horde), et poursuit sa vision réaliste et psychologique du héros.
De plus, entre les conditions de détention, l'intervention des différents personnages secondaires mais capitaux, et l'approche psychanalytique à proprement parler, le temps passe vite. Encore une fois, après Incassable puis Split, le réalisateur met en place tous ses éléments doucement, implacablement, afin de rendre les choses crédibles à force d'arguments et de contre-arguments. Les traumas de chaque personnage est le leitmotiv intrinsèque : les trois titres ont à voir avec la fêlure et les destins brisés, et chacun des trois films est centré sur un personnage. Tant va la cruche à l'eau, donc, jusqu'à un final de super-héros tout juste digne de ce nom, puisqu'il fait hommage au genre mais sans se renier pour autant. Donc non, ils ne se bastonneront pas sur la lune.

Les personnage secondaires, souvent révélateurs en tant qu'ennemis, à l'instar du Joker et de Catwoman dans Batman, ou de Lex Luthor dans Superman, etc., sont ici amis et donnent toute leur force aux personnages : ici la mère de Glass, le fils d'Incassable, l'otage amoureuse¹ de Split. Car ici, la force provient de leur croyance et de la confiance qu'on leur accorde.
Anti-spectaculaire au point de truquer sa fin, Night M. Shyamalan nous parle d'un pouvoir tout autre... celui que les dieux de l'Inde ont subtilisé à l'homme... et qu'ils ont dû lui cacher.
Il ne fait finalement qu'appuyer sur l'abcès éclos dans Split.

Il nous rappelle aussi, comme en Aïkido, à se servir de la force de son adversaire. Et c'est vachement bien vu.

Enfin un super-héros qui s'occupe intelligemment au lieu de mettre des pauvres en prison ! Tousse tousse. Désolé.


1. Syndrome de Stockholm oblige.

Cinéma, science fiction, super heros, societe, surhumain, mythologie, critique, analyse, James McAvoy, Samuel L. Jackson, Bruce Willis, M. Night Shyamalan

Split [Film] 2017

Super-héros | USA/Japon |

Ciné - Super-héros et fracture psychosociale

Split, ou l'art de transformer un film de super-héros en thriller psychologique.

Un thriller assez peu horrifique, malgré les compositions honorables de James McAvoy¹ et des jeunes otages.
Problème d'identification déjà : le prédateur est un mâle de type caucasien. Inconsciemment, nous (je) nous mettons à sa place plutôt qu'à celles de ses victimes, des étudiantes. OK. Mais il faut dire aussi que c'est du Shyamalan, peu penché sur le spectaculaire (même s'il arrive à le faire émerger par moments).
Malgré la présence d'un personnage à personnalités multiples, qui aurait pu être, sinon fascinant, tout au moins troublant, c'est le personnage de Casey (Anya Taylor-Joy) qui s'affirme, par négation d'abord, puis totalement. C'est elle le vrai personnage principal, avec son souvenir traumatique presque ordinaire².
Shyamalan, pour son super-héros, adopte le point de vue clinique (et même psychanalytique), ce qui fait penser au syndrome de la pensée magique³. Il évoque aussi un proverbe de la pensée religieuse hindouiste : alors que les humains se battaient tout le temps, et détruisaient tout, Dieu a décidé de cacher leurs pouvoirs là ils n'iraient jamais les chercher, dans leur cœur.
Mais l'argument du film est le suivant : si un individu à personnalités multiples peut être diabétique et pas les autres, si l'esprit est capable de rendre une personnalité allergique aux piqûres d'abeilles et pas les autres,  quelles sont les limites de l'esprit ?
Encore une fois, si Shyamalan peut être très pertinent, il a selon moi un vrai problème, volontaire sûrement, avec le spectaculaire qui sans être inintéressant, le rapproche parfois du téléfilm, avec une fâcheuse tendance à désamorcer ses meilleurs effets. Par exemple, aucune trace de sang après que la Bête se soit nourri. Aucune effusion non plus lors du final, avec ses différentes personnalités : qu'il passe d'une identité à l'autre aurait pu être très impressionnant. Mais non, Shyamalan ne fera pas ces choix (il les fera au suivant).
On peut déduire deux choses : Split aurait pu être TRÈS sordide, voyeuriste, mais Shyamalan est "classe" et ne s'y mouille pas. Et aussi, que son propos est finalement l'inverse de celui d'un film d'encapé : remettre l'humain ordinaire au centre de la notion de pouvoirs. Et donc, faire dans le spectaculaire aurait desservi son propos.

Mais Split, en réalité, est un film sur la souffrance. La souffrance de Kevin, la souffrance de Casey. Et ce sont celles-ci qui les rapprochent, ces personnes brisées : SPLIT.

"Vous avez écrit sur une femme en Allemagne qui était restée aveugle pendant dix ans. Puis on a découvert qu'elle souffrait de dissociation et trois de ses identités ont développé la vue. Vous aviez avancé que son nerf optique avait été régénéré par sa conviction."
Ici, il s'agit du pouvoir de régénération, bien connu des comics, des vampires, et des salamandres. Mais difficile de savoir si l'anecdote est vraie ou inventée par Shyamalan.
"Des négligeables" dit la Bête, prédateur universel. Sexuel, cannibale, social.
"-Une identité chez un individu qui souffre d'un trouble dissociatif, va avoir trop de cholestérol. Une seule. On note des cas où une identité était allergique aux piqûres de guêpes et pas les autres.
-Est-ce qu'il peut arriver que deux entités coexistent en même temps ?
-Oui il arrive parfois que deux entités "prennent la lumière", ou s'octroient le devant de la scène, et cela simultanément. Cela s'est produit avec une lycéenne au cours d'une séance. Elle écrivait de la main droite et en même temps de la gauche. Les écritures étaient différentes et ses notes simultanées portaient sur des sujets sans aucun rapport. La différence entre les identités peut s'avérer spectaculaire, au même titre que peut l'être la différence entre vous et moi [...] Est-ce que notre sens du surnaturel ne nous viendrait pas de ces zones inexplorées ?"

Encore une fois on pourra supposer que ces arguments d'autorité placés dans la bouche de la psychiatre proviennent de l'imagination débridée de M. Night Shyamalan, mélangeant vraies et fausses informations pour construire son discours visant tant à impliquer le spectateur qu'à le mystifier. Force est de constater qu'il ne cite pas ses sources...
J'attends impatiemment Glass. En effet la méthode Shyamalan visant à crédibiliser des êtres surnaturels étant particulièrement chronophage, va-t'il se passer quelque chose dans le prochain opus ?


1. On pourra suspecter Shyamalan d'avoir choisi McAvoy pour sa précédente interprétation de Charles Xavier dans les X-Men. Le rapport entre les deux est excellent, d'autant plus que le fils de Xavier, dans les comics, est aussi atteint d'un trouble dissociatif. Son nom est Légion.
2. Selon l'Ipsos en 2019, 165.000 enfants chaque année, d'en moyenne dix ans. Source : https://www.doctissimo.fr/psychologie/news/enfants-victimes-violences-sexuelles-france
3.
Forme de pensée qui s'attribue ou attribue à autrui le pouvoir de provoquer l'accomplissement de désirs, l'empêchement d'événements ou la résolution de problèmes sans intervention matérielle.

Cinéma, super-héros, société, thriller, Night M Shyamalan, Bruce Willis, James McAvoy, critique, analyse

Infinity 8 1,2, et 3 [BD] 2016-2017

Policier SF | France |

BD - Infinity 8 : Mystères et boucles temporelles
Après un premier tome, à l'esthétique horreur mais sympathique, qui met en place une trame difficile en formes de boucles temporelles, c'est une sacrée surprise qu'offre Infinity 8. Effectivement, le premier épisode évolue en terrain connu en terme de dialogues et d'humour, et force le trait avec sa Yoko Kev à la quête de géniteur bien appuyée, mais ! tout ça dans un environnement macabre dont on n'a pas bien l'habitude.
En gros, on y va doucement sur le scénario tout en proposant des trucs nouveaux tout en n'étant pas vraiment nouveau : une mise en page en gaufrier par exemple. Ce premier épisode est référencé comics et particulièrement EC comics¹, Weird science... ces bédés US des 50's, sci-fi heroes & cie.

Mais c'est une fois le premier "reboot" digéré, qu'on intègre le concept et qu'on peut pleinement profiter de la boucle temporelle.
Avec le deuxième épisode, on croit tout d'abord être dans une énième histoire de nazis (merci les Aventuriers de l'Arche perdue) mais surprise, c'en sera pas vraiment une. Surprise, sauf pour qui connaît la finesse et la modernité de l'écriture de Trondheim, depuis que son écriture est devenue exponentielle chez Dargaud et Poisson pilote...
Certains tiqueront peut-être sur la colo très "ordi" (mais enfin qui ça continue à gêner, à part mon pote Gérald ?), mais elle réserve de bonnes surprises, qui plus est le style de Vatine, sur ce second tome, se prête parfaitement au comics. Oui, j'associe comics et colo numérique².

Sur le troisième épisode, c'est carrément olé-olé. Trondheim et Vehlmann aborde une thématique que j'ai moi-même essayée (mais non publiée) : la religion (du futur !). Et oui, c'est un problème philosophique et sociologique d'importance, puisqu'il constitue le grave dilemme que nous connaissons. Car malgré l'avancée de la science, l'athéisme reste encore une religion en soi (notez comment nous inversons malicieusement le problème). Et prenons en compte la montée des orthodoxies, mais aussi le véganisme et l'intrusion des morales religieuses associées... bref, la SF doit-elle nécessairement taire ce sujet qui nous divise si facilement ? Réponse : bien au contraire, puisque la SF est censée faire réfléchir par anticipation.
Sur le plan visuel, ce 3e tome est une belle performance d'Olivier Balez (qui mérite bien son nom, donc), avec des couleurs numériques évoquant paradoxalement bien les bédés psychédéliques des seventies.

J'en suis resté au troisième, pour l'instant, et j'espère que la série va rester au top sur le scénario, parce que ça fait vraiment plaisir à lire.
Faut-il s'appeler Trondheim, et avoir toute son expérience scénaristique, pour chapeauter des concepts aussi tarabiscotés, aussi pointus sans perdre le lecteur ? Je conclurai sur cette question si je ne pensais pas tout à coup à Aâma, une autre très belle bande si vous êtes exigeants en SF et aimez les BD mutantes.
 
INFINITY 8. Scénario : Lewis Trondheim, Zep, Olivier Vatine, Fabien Vehlmann ; Dessin : Dominique Bertail, Olivier Vatine, Olivier Balez.


1. EC comics est tenue pour principale responsable de l'avènement de l'horreur et du mauvais goût dans les B.D. destinées aux adolescents, qui s'ensuivirent du Comics code authority.
2. J'ai déjà expliqué ça : la colorisation numérique est née avec la version US d'Akira en 1990, et s'est démocratisée avec Image comics (et Malibu comics) dès 1992 qui publia Spawn, Wildcats, Witchblade... Ils reproduirent finalement le schéma de la Nouvelle Vague en France, associant leurs nouvelles ambitions à une nouvelle technologie. Chez Image comics, les auteurs voulurent s'affranchir du studio Marvel qui brevetait systématiquement les nouveaux personnages en son nom.

Bande-dessinée, science-fiction, space opera, androïdes, espace-temps, IA, Policier, critique, analyse, Lewis Trondheim, Dominique Bertail, Olivier Vatine, Olivier Balez

L'Œil du Mal [Film] 2008

Action anticipation | USA |

Ciné - Un film d'anticipation contemporain
Le film commence au Pakistan avec une opération de représailles anti-terroriste, mais l'intelligence artificielle qui assiste l'opération ne confirme l'identité des criminels, via reconnaissance faciale donc, qu'à 51%. De plus ils se sont rendus dans le village pour un enterrement. Un drone bombardier est quand même lancé, une vingtaine de terroristes et une quantité inconnue de civils sont tués.
Ailleurs, Jerry (Shia LaBeouf) assiste à l'enterrement de son frère jumeau. Plus tard, après avoir été livré chez lui en armes et technologies militaires de pointe, une femme l'appelle et lui annonce qu'il a été "activé", que le FBI va arriver et l'arrêter dans les trente secondes, ce qui ne manque pas de se produire. De son côté, Rachel (Michelle Monaghan) reçoit un appel de son fils, mais au bout du fil c'est une femme (la même !) qui lui dit qu'elle a été activée aussi et menace indirectement de faire du mal à son fils. Jerry, plus tard, est en garde à vue, la voix le rappelle et le fait évader grâce à une grue. La voix semble avoir le contrôle des grues, des métros et même des feux tricolores.

Et là on se dit, on pourrait faire des films sur n'importe quoi, avec un traitement grotesque, absurde, ça passe.
Mais le truc à savoir quand même, c'est que le scénario du film a été écrit en 1996, pour être tourné en 2008. L'effet anticipatoire est donc dissout dans un film d'action un peu lambda mais d'actualité : traçage et fichage des individus par des organismes de défense internationaux, avec l'Intelligence artificielle et reconnaissance faciale à disposition. Mais voilà, le propre des machines, c'est de beugger.

Un thriller d'espionnage mené tambour battant, sur un thème similaire à Déjà vu et Source code.

cinéma, science-fiction, anticipation, AI, thriller, critique, analyse, Shia Labeouf, Michelle Monaghan

Summer wars [Animation] 2009

Anticipation | Japon |

Animation - Le virtuel est menacé : Summer wars

En guise d'introduction, une  vidéo publicitaire nous présente le monde virtuel d'Oz, dans lequel naviguent des centaines de millions d'internautes. Toutes les entreprises du monde y ont des succursales, on y trouve donc une centrale d'achats et on peut même y effectuer ses formalités administratives... L'histoire se passe en 2010, le film n'appartient pas au genre SF proprement dit mais à l'anticipation.
Le film est réalisé par Mamoru Hosoda (la Traversée du temps, les Enfants loups, le Garçon et la bête...).

A la fin de l'année scolaire, Satsuki invite Kenji (programmeur chez Oz) dans sa famille pour quelques jours durant les vacances d'été. Il découvrira rapidement que la famille se trouve être un ancien clan féodal militaire réputé. Il devra se faire passer pour son petit ami afin d'être présenté à la grand-mère de Satsuki, la doyenne du clan, qui fête ses quatre-vingt dix ans. Alors que Kenji se demande pourquoi il est venu, il reçoit une suite de 2056 chiffres par sms et prend ça pour un problème d'arithmétique qu'il doit résoudre. Mais le lendemain, à cause de lui, Oz est piraté. Toute la vie sociale du Japon étant basée sur le réseau, Kenji va devoir récupérer son compte et surtout rattraper son erreur alors que les préparatifs pour l'anniversaire de la grand-mère continuent.

Summer wars est un film très étrange. Si les enjeux de départ, avec son réseau social mondial, ne sera pas forcément fédérateur¹, la suite qui se déroule en mood "comédie familiale" ou film campagnard à la Jean Renoir, encore moins. Et surtout, les deux sont-ils bien compatibles ? Propices à concilier les publics ? Pourtant c'est son sujet : la modernité face à la tradition. Et c'est en même temps que nous sont livré.e.s une histoire profondément visionnaire et un grand film de cinéma.
Encore une fois, c'est l'humain face à la machine (cf : Roujin Z). Et tout va dans ce sens : pas de sacrifice mais du don de soi, les individualistes reprennent goût à l'effort et à l'esprit d'équipe...
"C'est en protégeant les autres qu'on se protège soi-même" dit un personnage du film, qui en cite un autre.

Ce qui pourrait se matérialiser, dans un autre film, par deux niveaux de lecture, c'est ici deux intrigues imbriquées sur fond d'espionnage : une histoire de famille et une bataille de titans² prennent place.
Une démonstration très puissante.

1. Qui ça intéresse à part les japonais ? Social network a fait un succès maigrichon... Contre-exemple : Ready player One, bien sûr.
2. Deux entités supportées par la masse.

Anticipation, science-fiction, animation, espionnage, IA, critique, analyse, Société, Mamoru Hosoda

Sillage 20 : Résumé des épisodes précédents [BD] 2019

Espionnage SF /Space opera | France |

BD - Espionnage spatial et quête des origines
Quand on tombe sur les illustrations de couvertures de Sillage, on peut trouver ça sympathique, mais pas pour autant transcendantal quand on a passé la trentaine... relooking intéressant, mais très orienté ado. Et l'idée d'une ado indienne à moitié à poil, même du futur, ça peut laisser sceptique.
Pour ma part c'est de nombreuses séries et one-shots de science-fiction (qui vainquirent mes préjugés) plus tard, que je retombais sur la petite Nävis et me dis "bah ! peut-être son côté punk".
Surtout que l'histoire est signée Jean-David Morvan, qui m'avait marqué plus jeune avec le premier épisode de TDB : Trop de bonheur.

Je découvrais alors, bluffé, cette héroïne caractérielle et ses compagnons dévoués (et pour cause), des scénarios¹ de haut vol, lesquels aiment se jouer des apparences et nous ouvrir l'esprit en même temps qu'à son héroïne. Loin d'être expérimental, mais des parti pris osés et une vision moderne. Une série factuellement très proche de Valerian, disons franchement (Aquablue ayant passé son tour en tant que successeur), sa descendante par les thèmes et les objectifs.
Blockbuster², c'est un terme qui semble bien leur aller.

Je ne reviendrai pas aujourd'hui sur l'ensemble de la saga qui se compose déjà de 20 tomes et deux séries spin-off, et je ne suis pas sûr d'avoir prochainement le loisir de rédiger un article de ce genre. Je vais commencer directement avec l'épisode 17, puisqu'il constitue le début d'une espèce de trilogie mettant de nouveaux éléments en place et préparant selon moi l'épisode 20 Mise à jour sorti fin 2019.
Vous admettrez qu'il sera difficile de ne pas spoiler, mais l'article est pensé pour préserver les surprises à ceux qui voudraient découvrir la série, en privilégiant le sous-texte et les contenus thématiques.

L'épisode 17 Grands froids nous ramène sur TRI-JJ768, où Nävis a rencontré Clément Vildieu (lol) lors du tome 3 et avec qui elle a donné naissance à Yannseï, son fils caché... là tout-de-suite, on se croirait un peu dans un space soap-opera type Amour, gloire et beauté, mais il n'en est rien. Même si la série comporte une dose émotionnelle/sentimentale qui crédibilise et soude les personnages, Nävis n'a jamais eu qu'une histoire de cœur (et avec un révolutionnaire de surcroît³).
Sa mission est la suivante : dérober l'ornosphère (pivot de cette trilogie), dont elle ne veut rien savoir : les intrigues politiques sournoises de Sillage ne l'intéressent plus du tout⁴. Elle rencontrera Jules, un petit génie, et retrouvera ses amis Püntas. En plus de présenter une intrigue d'espionnage au parfum d'anarchie (Morvan peuple des mondes que je dirais très "représentatifs" à défaut d'être proprement réalistes⁵), la planète TRI-JJ768 a enfanté l'espèce la plus proche génétiquement de celle de Nävis (rappelons-le, la seule humaine du convoi).
On découvrira que l'ornosphère, crainte par les sages (psy-actifs) Püntas, est convoitée par les "Impériaux", tout comme Jules qui a en sa possession les notes secrètes de l'ancien "Empereur". Par la suite le petit Jules, qui se trouve être la petite nièce de son ancien amant⁶, intégrera le convoi du Sillage grâce à sa bravoure (et accessoirement grâce aux soins devant lui être apportés).

Dans Psycholocauste (t.18), ça dégénère GRAVE. Alors que se déroule la discussion parlementaire au sujet de l'intégration de Juliette (ex-Jules) dans le convoi, à laquelle Nävis assiste, Bobo est en mission sur Tartaruga.
Au passage, ces épisodes font penser aux "épisodes flashbacks" dans les séries TV, quand les personnages se remémorent les meilleurs moments de l'année. Sauf qu'ici bien sûr (quel intérêt en BD ?), il s'agit bel et bien de nouvelles histoires, mais dans des endroits déjà visités et avec des personnages déjà croisés : il y a beaucoup d'auto-références dans ces trois albums... Bref, Bobo est à Tartaruga pour acheter l'ornosphère dont ils ont retrouvé la piste, mais les ondes de l'amplificateur psy d'un autre acheteur provoque l'"éclosion" du bidule, qui s'avère être un virus créé de toutes pièces par les humains (mais ils ne le savent pas encore) pour éradiquer les espèces psy-actives. Pour rappel, la psy-activité est une constante chez les espèces de Sillage, il s'agit de capacités PSY (téléportation, télépathie...) dont pratiquement seuls les humains sont dénués. BREF, c'est le bazar et les autorités sont incapables de stopper la pandémie (on est en 2015). Nävis forme une équipe spéciale, dont Juliette sera le "cerveau", pour trouver l'antidote. Avec l'aide inopinée, aussi, du dernier Yiarhu-Kah⁷. Re-BREF, Juliette est intégrée parmi les espèces du convoi spatial.
Je ne sais plus pendant la lecture duquel des deux tomes je me suis dit "punaise, Morvan est TROP balèze", mais c'était par rapport à du sous-texte ou à de la structure scénaristique (difficile de retrouver des impressions de lecture). Tout ça pour dire, Sillage c'est de la belle ouvrage.

Temps mort (t.19) commence avec un couple d'aliens tout-à-fait zarbis capables d'arrêter le temps, ce qu'ils font lors d'une fusillade qui oppose Nävis, Bobo, Yannseï et Juliette à des robots. On assiste à la mort des protagonistes, par projection, puis Nävis, Yannseï et Juliette (la famille recomposée/ famille nucléaire ?) sont pris à parti dans le temps suspendu pour expliquer comment ils sont arrivés là. Un type d'exercice scénaristique très particulier donc, à grand renfort de flash-backs (ce n'est pas nouveau chez Sillage, mais ça fait toujours plaisir). L'épisode voit aussi l'apparition de trois nouveaux personnages qui, comme Bobo et Juliette, se distinguent de leur peuple par une subite prise de conscience les extirpant d'un déterminisme social (les thématiques sociales sont récurrentes chez Morvan). Nävis rencontre à nouveau le Yiarhu-kah au cours de la filature censée l'amener au revendeur d'ornosphère. Il lui confiera plus tard l'éducation de sa couvée, en même temps qu'un psiyôorm qui lui permettra dès lors la téléportation. Et c'est bien ce psiyôorm qui indique déjà un nouveau départ dans la saga : Nävis gagne une mise à jour de sa personne, comme un joueur de RPG qui gagne un pouvoir ou un artefact.

Voilà pourquoi cette "trilogie" est déterminante, et pourquoi il faut relire les trois.
Alors vous me direz, les éléments qui lient cet arc narratif ne sont pas beaucoup plus évidents que pour les autres tomes, que les autoréférences parcourent la série d'autant plus qu'elle s'articule bel et bien comme un soap : chaque tome étant la suite directe (ou quasi) du précédent.
Effectivement, si la série n'a jamais présenté clairement d'arcs ni de  cycles, il me semblait intéressant d'extraire ces tomes en particulier parce qu'ils précèdent et préparent le renouveau de la série (le tome 20 Mise à jour) et que je crois qu'il a été pensé comme tel, avec l'ornosphère (sphère ornementale ??⁸) au centre.

Dans tous les cas, ces trois épisodes (et certainement le prochain) sont déterminants dans la saga.
L'ornosphère créée par des humains, qui représente la quête d'identité et de sens de Nävis... Que nous réserve le tome 20 ? Suite au prochain épisode !

Oui l'axe de mes analyses est avant tout scénaristique. Mais on saluera quand même l'immense travail de Philippe Buchet...
 
SILLAGE 17, 18, 19. Scénario : Jean-David Morvan ; Dessin & couleurs : Philippe Bucher. Publié chez Delcourt.  


1. Normalement on dit scenarii mais bon.
2. Blockbuster ! : c'est d'ailleurs le titre du recueil consacré au travail de Buchet.
3. Remember Sambre d'Yslaire.
4. C'était tout le piment des premiers épisodes.
5. Et c'est une des fonctions de la science-fiction : tout en étant très loin du présent, les problématiques sont très similaires aux nôtres... sinon on ne comprendrait rien (et le genre ne serait d'aucune utilité). Comme preuve, Dune. Si on n'était pas dans la tête des personnages, on ne comprendrait rien à leurs mœurs subtils... Difficile d'exposer des problèmes encore inexistants dans nos sociétés, des thématiques qui ne sont pas encore conscientisées, ou même de présenter des personnages non humains (voire robots). Comment s'identifier à des humains de l'an 10.000 ? Le réalisme devrait être le sujet d'une prochaine rubrique.
6. La petite Juliette se déguisait en garçon pour avoir plus de crédibilité !! SOAP ! Mais une idée qui gratte...
7. Voir tome 14 Liquidation totale.
8. https://fr.wiktionary.org/wiki/orno

Espionnage, space opera, science-fiction, bande-dessinée, thriller, société, critique, analyse, Delcourt, JD Morvan

Outland et le space western [Film] 1981

Policier SF | USA |

Ciné - Outland et le space western industriel
Après une longue séquence d'immersion en guise d'introduction¹ pendant laquelle on découvre la colonie minière de Io², on entend deux ouvriers qui discutent de leurs conditions sociales. Mais leur discussion syndicale n'est pas terminée que près d'eux leur collègue a une bouffée délirante. Il croit qu'une araignée est entrée dans sa combinaison et débranche l'arrivée d'air. Sa combinaison dépressurisée, son corps se dilate et explose.
Après ça le nouveau marshall en fonction ("prévôt" dans la version française) commence sa journée avec sa famille. Après avoir fait preuve d'une psychologie toute paternelle, il consulte sa boîte vocale vidéo pour la relève et écoute le rapport de son collègue. Puis part au boulot.
Dans l'usine, du réfectoire au vestiaire on suit les allées et venues d'un ouvrier au comportement louche.
Enfin, dans la salle de réunion, tout le mode fume. Une clope par plan, bonjour l'air conditionné (aaah, l'american way of life...) Comme le marshall vient d'être affecté à sa nouvelle fonction, il se présente à l'équipe. Une collègue se présente à son tour puis c'est le directeur, qui conseille au nouveau de ne pas trop en faire et de la jouer mollo.


Alors tout d'abord, Outland c'est Peter Hyams, le réalisateur de Capricorn One et 2010, mais aussi de Timecop et de La Fin des temps. Même si les succès sont relatifs, on peut dire que c'est pas un manche en la matière de SF.

Mais Outland, c'est aussi un western. O'Niel est un marshall fédéral qui n'a rien à perdre et fait régner l'ordre et la justice avec un fusil à pompe. Un fusil à pompe, ça peut avoir l'air bête au premier abord, car rien de tel pour déglinguer une installation spatiale qu'un truc à balle réelle. Seulement voilà, dans ce futur lointain-là, les blasters et sabres laser n'ont pas encore été inventés³.
Un western à huis clos, outre quelques plans d'insert, une ambiance proche du film carcéral ou social. De la psychologie donc. Des rapports humains. De la tension. Et puis de la bagarre. L'histoire est inspirée du Train sifflera trois fois, un western de 1952, et le film est souvent présenté comme un space western, proposition déjà présente dans Star Wars : son Han Solo qui tire le premier, contrebandier de son état, Luke chez son oncle fermier, sont des éléments western. D'ailleurs toute la planète Tatooine est une ville western où même les pompes à eau ressemblent à des cactus. Pour trancher avec le western, et "l'exotiser", les créateurs l'orientalisent. Les maisons ne sont alors plus carrées comme au Nouveau-Mexique⁴, mais rondes. Solo évoquera encore le western avec son attaque du train et la bande des Cloud Riders.

Mais alors que Star Wars se place par rapport à un passé mythique et fantasmé⁵, Outland est réaliste et terre-à-terre. Car dans ce futur lointain, l'homme extrait ses ressources que dans le système solaire, et les conditions des ouvriers n'ont pas changé : une colonie qui ressemble à une usine (une plateforme pétrolière, en fait), presque une prison, où ses ouvriers se droguent pour échapper au quotidien et la routine... on est très loin de la fantasy de Star Wars. Les deux films semblent finalement n'avoir en commun que leur créateur des costumes, John Mollo.

Outland, c'est aussi une narration à la première personne, autant que faire se peut : nous découvrons les faits en même temps, ou presque, que le marshall (dans le même ordre en tout cas). Nous découvrons les autres personnages de la même façon. Si les coupables sont pressentis dès le début, il n'est pas de mystère non plus pour le personnage principal. Nous ne sommes pas dans un film d'enquête mais dans un policier efficace, ou dans son pendant historique, le film de shériff. Le western c'est les thèmes de la conquête, de la colonisation, mais aussi de l'ordre et de la justice, mais c'est aussi la question de faire régner l'ordre en-dehors de ses frontières (ou dans un territoire mal délimité). Rappelons le titre, thème : Outland.
Et puisqu'on en est aux digressions stylistiques, la scène de squash, impromptue, apporte beaucoup de réalisme au film. A t'elle été un casse-tête ou d'une simplicité effarante à monter ? Anodine... il y a pourtant deux rapports temporels à gérer : la conversation et la partie.

Outland c'est une musique immersive signée Jerry Goldsmith : la Planète des singes (1968), l'Age de cristal, Alien, Star Trek, Gremlins, Explorers, l'Aventure intérieure, Total Recall pour ne citer que quelques films de geeks SF.

Outland c'est aussi un procédé, l'Introvision, qui intègre vachement bien les maquettes et les décors grandeur nature, mais aussi un décor de 5,5m à sept modules.

Toutes ces raisons font de Outland un incontournable de science-fiction.

Enfin 1981 c'est aussi : l'Empire contre-attaque, Mad Max 2, Malevil, Scanners, Bandits bandits, New-York 1997. Une année très compétitive en SF.


1... en guise d'introduction et accessoirement de générique.
2. Lune de Jupiter.
3. Total recall, par exemple, adopte le même type d'esthétique.
4. Les films de Leone en sont un exemple typique.
5. Le western est tant un genre qu'un mythe fondateur.

Policier, science-fiction, cinéma, colonisation spatiale, western, société, critique, analyse, Sean Connery, Peter Hyams, Peter Boyle, Frances Sternhagen

Roujin Z [Animation] 1991

Comédie SF | Japon |

Roujin-Z est un film d'animation japonais réalisé par Hiroyuki Kitakubo

Animation - Un anime SF du genre mécha mature
...et scénarisé par Katsuhiro Otomo, le réalisateur du mythique Akira. Akira est plus qu'une pointure : une révolution dans l'industrie de l'animation japonaise et internationale¹. On ne peut pas en dire autant de Roujin-Z, d'une facture visuelle plus classique, du genre que le public néophyte aura peut-être du mal à visionner. Si à la première vision on reconnaît facilement les points communs avec Akira (avant tout esthétiques), à la deuxième on peut se demander si on est bien chez Otomo. Parce que non. Si l'histoire et le design des méchas sont bien signés Otomo, le character design est de Hisashi Eguchi. Et ça fait toute la différence. Donc non les fans d'Otomo ne s'y sont pas tous retrouvés, mais oui, on reconnaît la patte et l'audace de l'auteur. Cette histoire est de plus, tout-à-fait essentielle du point de vue SF.

Plus que le "vieillissement de la population", proposé par l'éditeur et qui est effectivement l'argument de l'histoire, le thème du film est plus simplement la vieillesse et la dépendance, et donc il est question du traitement des personnes âgées au Japon, et par extension dans nos sociétés industrielles. Sur le ton de l'humour, OK, mais on ne se demandera pas pourquoi le film n'a pas obtenu plus de budget pour sa réalisation ou pour sa communication.
Il semble que les responsables en ait eu bien conscience, d'ailleurs, puisque même dans le film, lors de la conférence de presse présentant le Z-001 le lit révolutionnaire pour l'accompagnement des personnes en fin de vie... les premières rangées de fauteuil dans la salle sont vides, preuve du désintéressement du sujet.

Mais rembobinons un peu.

Le film commence avec M. Takazawa, un vieillard alité qui s'est soulagé sur lui et qui appelle son infirmière à l'aide. Puis ont lieu la conférence susdite et l'adoption du projet. Chez le vieillard, son infirmière Haruko lave son linge, arrive alors l'ambulance du ministère de la santé. M. Takazawa sera le premier à tester ce fabuleux prototype de lit à intelligence artificielle. Mais très rapidement tout va dégénérer, au propre comme au figuré². Peu de temps après l'internement du monsieur, Haruko reçoit des appels à l'aide sur son ordinateur de l'hôpital, puis le message apparaît sur tous les ordinateurs qui semblent être comme piratés³.
Elle convainc ses amis de l'accompagner à l'institut. Mais la visite clandestine tourne à l’invraisemblable : M. Takazawa veut s'en aller et semble contrôler la machine (le lit). Ils réussissent à s'enfuir, mais le ministère les retrouve facilement et le ramène. Cependant, Haruko s'inquiète pour son ancien patient, et demande à un autre patient de son service, à l'hôpital, de l'aider à le contacter. Le patient en question est un ancien programmeur qui pirate des trucs entre deux parties de Gran Turismo. Bé oui on est dans le futur, bro'. Bref, ils iront jusqu'à imiter la voix de sa défunte femme pour le sortir de léthargie. Mais en même temps que le vieil homme, c'est un monstre qui se réveillera et brisera ses chaînes...

 

C'est sous l'angle de la satire et du mécha qu'Otomo et Kitakubo abordent le sujet et nous livrent cette œuvre mature. Elle porte malheureusement les stigmates des animés en France, avec sa barrière culturelle (mais virtuelle) : des personnages sympathiques mais pas vraiment caractérisés, une musique anodine (et même très très expérimentale pour le coup), une histoire courte et rondement menée (1h20)... un petit budget tout simplement MAIS c'est là aussi qu'on trouve des créations belles et originales. Avec cette approche de la symbiose de l'organique à la technologie, les auteurs nous parlent bien de l'humanité, derrière une société parfois mécanique et déshumanisante. Un sujet qui aurait pu être celui d'une comédie dramatique ou d'un drame en salle d'arts et d'essais... A noter aussi, une trame narrative originale, avec cette machine qui fait plusieurs évasions, comme un appel lancinant visant à rétablir la communication.

1. Le film est adapté de sa propre B.D. qui était déjà best-seller... Otomo commencera l'animation avec un chef d’œuvre, et ne connaîtra plus de succès comparable. Mais au Japon son nom lui permet de porter des projets de type omnibus.
2. Ce qui semble être la marque de fabrique d'Otomo. On pense tant à Akira qu'à son sketch dans Memories, ou encore à Dōmu.
3. Wake up Neo... the Matrix has you...

Mécha, science-fiction, animation, IA, comédie, société, Katsuhiro Ōtomo

Financez nos futurs projets sur Tipeee !